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Harcèlement au travail : où en sommes-nous en Haïti

Harcèlement au travail : où en sommes-nous en Haïti

Le harcèlement au travail qui peut être assimilé au harcèlement moral constitue une violation des droits humains et met en péril l’égalité des chances dans le monde professionnel. (OIT- no 190, 2019) Que ce soit psychologique, sexuel ou du cyber, le harcèlement est un fléau mondial qui a pour simple effet la détérioration des conditions de travail et qui peut avoir des conséquences graves. En France, environ un salarié sur six est concerné par ce type de comportement malsain durant sa carrière professionnelle. (Dossier familial, 2019)

À l’occasion de la Conférence internationale du Travail du centenaire de l’OIT le 21 juin 2019, OIT a adopté la convention n°190 sur la violence et le harcèlement au travail et la recommandation n°206 qui définit le harcèlement comme étant « un ensemble de comportements et de pratiques inacceptables, ou de menaces de tels comportements et pratiques, qu’ils se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, qui ont pour but de causer, causent ou sont susceptibles de causer un dommage d’ordre physique, psychologique, sexuel ou économique, et comprend la violence et le harcèlement fondés sur le genre. » La Convention rappelle également aux Etats qu’ils ont la responsabilité de promouvoir un «environnement général de tolérance zéro ». (OIT Infos, juin 2021) Bien que la convention no190  de l’Organisation Internationale de Travail stipule clairement que le harcèlement au travail est une infraction qui atteint l’intégrité de la personne, , ce dernier reste un frein qui handicape l’environnement professionnel de beaucoup de personne. 

Loin d'être un simple ornement allégorique ou significatif, la Convention n° 190 est un pont solide vers un univers professionnel plus sûr, moins violent et plus respectueux de ceux qui travaillent.  Elle reconnait aussi le droit de chacun à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement et offre un cadre d’action commun. Deux ans après son adoption, le premier traité international sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail entre en vigueur le 25 juin 2021 et seulement six pays l’ont ratifié à ce jour.

Selon L’Organisation Internationale du Travail (OIT), le harcèlement sur le lieu de travail dépend fortement du contexte et des phénomènes dynamiques au travail et dans la société en général, à savoir : les relations de pouvoir, les normes de genre, les normes sociales et culturelles et la discrimination. Malgré les nombreuses conventions signées par Haïti à cet effet, le problème demeure urgent. En effet, le harcèlement sexuel ne fait pas encore partie de la législation haïtienne. Il faut attendre éventuellement la nouvelle législation de 2022  pour que cette loi soit votée et pour la mise en place des mesures prises contre le harcèlement, (Winnie Gabriel, 2020). En ce qui concerne les outils de prévention du harcèlement, selon le rapport de RNDDH et SOFA, seulement 14 % des institutions interrogées déclarent disposer d'outils comme un code d'éthique, mais la plupart reconnaissent qu'aucun mécanisme n'est en place pour leur application et leur vulgarisation auprès des employés. Parmi les ONG, une seule dispose d'outils conformes : « Gender Policy » et « Code of Conduct », (SOFA, RNDDH, 2015).

 Le harcèlement sexuel est une forme de violence sexuelle courante dans le monde du travail et se divise généralement en deux catégories : le « chantage sexuel » (aussi appelé harcèlement quid pro quo) et le harcèlement qui crée « un environnement de travail hostile ». Le chantage sexuel se produit lorsqu'un-e travailleur-se est sollicité-e pour des faveurs sexuelles, et l'avenir professionnel du travailleur dépend de l'acceptation ou non de la demande. Le harcèlement par la création d'un environnement de travail hostile consiste à créer un climat de travail intimidant, hostile ou humiliant.

En Haïti, ce type de comportement existe dans divers milieu sociaux et a atteint des proportions disproportionnées. Il est très fréquent dans les écoles et sur le lieu de travail, connu respectivement sous le nom de « Bouboun Pou Nòt » et « droit de cuissage » (GASECHS & IDEH, 2015). Selon un rapport de (SOFA, RNDDH, 2015), 8% des femmes dans les secteurs de l'administration publique et des ONG se sentent directement victimisées par leurs patrons, managers, superviseurs et collègues masculins. - 11% des femmes dans les secteurs domestique et manufacturier ont déclaré avoir été victimes par le propriétaire, un superviseur, un directeur, etc. Ajoutez à cela, il nous apprend également que plus de 72% des femmes dans les secteurs domestique et manufacturier sont témoins d'actes de harcèlement, plus de 41% parmi les fonctionnaires du secteur public/privé.

Le harcèlement sexuel induit un coût monétaire considérable pour les gouvernements et les employeur-es, notamment : soins et conseils médicaux, perte de productivité, règlement à l'amiable des plaintes et indemnités imposées par les tribunaux. Pour les employeur-es, il peut représenter des coûts importants en termes de réputation et de rotation du personnel. Quant aux victimes, elles subissent également des dommages substantiels : problèmes de santé, coûts économiques et entraves à la progression professionnelle. En Haiti, selon le rapport cité ultérieurement plus de 37% des femmes dans les secteurs de l'administration publique et des ONG recourent aux tentatives de suicide, à la consommation de somnifères pour échapper aux insultes, à l'humiliation, à la peur et à toutes sortes de souffrances que leur impose le régime de harcèlement au travail.

En raison de son impact disproportionné sur les femmes, le harcèlement sexuel peut contribuer à élargir les disparités préexistantes entre les sexes sur le lieu de travail, notamment les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, la participation inégale des femmes à la population active et productive, et leur relégation dans des professions et des secteurs moins bien rémunérés, ou avec des perspectives de carrière limitées.

Le harcèlement sexuel dans le milieu du travail en Haïti, reste encore un phénomène tabou où la victime est souvent condamnée au silence et à l’acceptation de sa souffrance, sous peinede perdre son emploi et de rejoindre le rang des chômeurs, déjà catastrophique en Haïti, avec un taux dépassant les 70 % de la population active. Les cas de harcèlement sexuel dénoncés sont rares et font l’objet de doute à l’endroit des personnes qui les auraient révélés. (SOFA, RNDDH, 2015).

Quelques propositions

Selon l’enquête de (SOFA, RNDDH, 2015), il ressort des recommandations assez pertinentes tant de la part des employé-es , travailleuses, que des responsables d’institutions qui exigence de l’Etat la mise en place dans toutes les institutions publiques/privées d’outils de prévention d'un Code d’éthique, d'une politique de genre et de mécanismes fiables à leur application tels que : Comité de surveillance ; un Conseil de discipline avec la participation des syndicats /ou de leurs représentant–e-s, Contrat de travail à l’embauche de manière à s’assurer de la bonne application de ces mesures ; L'adoption de mesures d'accompagnement et de protection spécifiques au harcèlement sexuel pour les femmes travaillant dans les manufactures ainsi que celles ayant le statut de travailleuses domestiques. Ces mesures doivent adresser les conditions associées au climat propice au harcèlement telles :

- la mise en place des toilettes spécifiques et sécurisées pour les femmes

- l’amélioration des conditions de salaire, de prélèvement de taxe etc.

- l’exigence qui doit être faite aux employeur-e-s/ superviseur-e-s de respecter les lois et principes haïtiens en matière de protection des femmes travailleuses face au harcèlement sexuel ; La mise en place au sein des institutions, de structures de protection comme des cellules d'encadrement psychologique et de protection aux femmes se sentant victimes de harcèlements sexuel / moral ; Le renforcement des structures d’accueil et de plaintes au sein des organisations féministes et de droits humains, comme soupape de sécurité pour les femmes.

 

 


[1] Il est à noter qu’Haïti n’a pas encore signé cette convention.